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Pleurer au travail, est-ce un symptôme de dépression ?

Pleurer au travail, est-ce un symptôme de dépression ?

Publié le November 14, 2025

Une réunion qui dérape, un mail de trop, une remarque injuste et les larmes montent. Au bureau ou dans un coin discret, pleurer au travail reste un tabou, par peur d’être jugé ou perçu comme fragile. Pourtant, derrière ces larmes se cache parfois bien plus qu’un simple coup de fatigue. Lorsque les pleurs deviennent fréquents, que la tristesse s’installe et que l’énergie s’effondre, la question se pose : est-ce encore du stress ou un signe de dépression ?

Cet article explore pourquoi l’on peut craquer au travail sans être « faible », comment reconnaître les signaux d’alerte, et de quelle manière l’entreprise, les managers et les professionnels de santé peuvent intervenir. Nous présenterons aussi un outil méconnu, le journal des larmes au travail, pour mieux comprendre ce qui déclenche ces épisodes et reprendre la main sur ce que l’on traverse.

Pourquoi les pleurs au bureau restent si mal perçus ?

Au fond, tout le monde le sait : tout le monde pleure. Pas seulement chez soi sous la couette, mais aussi au bureau, dans les transports, aux toilettes entre deux réunions. Les larmes font partie des réactions émotionnelles normales du corps.

Dans le monde du travail, elles sont souvent perçues comme une preuve de faiblesse, une perte de contrôle, un manque de professionnalisme. On grandit avec l’idée qu’il faudrait « garder la face », ne rien montrer, surtout pas la tristesse. La colère peut encore être tolérée (parfois même prise pour un signe de caractère), mais la tristesse et les pleurs, eux, renvoient à quelque chose de vulnérable, intime, presque honteux. Résultat : on retient ses larmes autant que possible, on se juge sévèrement dès qu’elles débordent, et on finit par se sentir coupable d’être « trop sensible ».

Pourtant, pleurer n’est pas un bug, c’est un mécanisme de régulation. Les larmes permettent :

  • de relâcher une tension émotionnelle qui a trop duré
  • d’envoyer un signal social : « j’ai besoin d’aide » ou « quelque chose ne va vraiment pas »
  • de marquer une limite : « là, c’est trop pour moi ».

Au travail, elles peuvent révéler une surcharge, un sentiment d’injustice, un manque de reconnaissance, un climat toxique ou encore un épuisement plus profond qui frôle parfois la dépression.

À quel moment les larmes au travail doivent inquiéter ?

Pleurer une fois au travail après une dispute ou une mauvaise nouvelle n’a rien d’alarmant. Ce qui doit vraiment inquiéter, c’est la répétition des crises et le sentiment qu’un malaise professionnel s’installe peu à peu. Derrière ces larmes, il peut se cacher un épuisement profond, un ennui qui vide de sens les journées, ou encore l’impression de ne plus être aligné avec ce que l’on fait. Ce mal-être s’accompagne souvent d’anxiété, de tensions physiques, d’un sentiment d’injustice et de pleurs qui surgissent pour un rien, comme si la moindre goutte faisait déborder un vase déjà trop plein.

Le problème se pose surtout lorsque la tristesse persiste. La dépression, qui n’est pas un simple passage à vide, se manifeste par une combinaison de signes : fatigue extrême, perte d’intérêt, troubles du sommeil, difficultés à se concentrer, perte d’estime de soi, pensées sombres… Ces symptômes reviennent jour après jour malgré le repos, et les larmes au travail deviennent alors un indicateur parmi d’autres que quelque chose de plus profond se joue.

La difficulté, c’est que le travail peut être autant la cause que le déclencheur ou l’amplificateur d’une dépression. Beaucoup remarquent d’ailleurs que les symptômes s’apaisent durant les week-ends, puis resurgissent brutalement à l’idée de reprendre le bureau. C’est précisément ce cocktail ; pleurer au travail, se sentir vidé, redouter la reprise ; qui doit encourager à prendre la situation très au sérieux.

Que faire quand on craque au travail (sur le moment) ?

Lorsqu’on sent les larmes monter en pleine journée, l’objectif n’est pas de « se forcer à arrêter », mais de se protéger et traverser le moment sans se faire davantage violence. Quelques réflexes utiles :

S’éloigner du regard des autres

Chercher un endroit calme comme les toilettes, une salle de réunion inoccupée, un couloir tranquille, une voiture ou une cage d’escalier. Non pas pour se cacher par honte, mais pour pouvoir :

  • respirer
  • laisser sortir un peu ce qui déborde
  • revenir ensuite avec un minimum de recul.

Mettre des mots sur ce qui se passe

Dans ce « sas de décompression », prendre quelques secondes pour nommer ce que l’on ressent : « Là, je me sens triste. », « Là, je suis à bout, en colère, épuisé. ». Souvent, plusieurs émotions sont entremêlées : tristesse, colère, peur, sentiment d’injustice, honte… Le simple fait de les reconnaître aide déjà à faire baisser la pression.

Évaluer l’intensité

Se demander intérieurement : « Sur 10, à quel point je souffre là, tout de suite ? ». Cette échelle personnelle permet :

  • de se rendre compte de la violence du moment
  • de voir, avec le temps, si les crises se répètent et restent à un niveau élevé.

Cesser de se juger pendant la crise

Se dire intérieurement : « Je ne suis pas en train d’échouer, je réagis à quelque chose qui me dépasse. ». Plus on se traite avec dureté (« tu exagères », « tu es ridicule »), plus on rajoute une couche de souffrance.

Choisir ce dont on a besoin après

Une fois la crise un peu redescendue, on peut :

  • demander à terminer la journée en télétravail
  • se confier à un collègue de confiance
  • appeler un proche
  • ou, au contraire, garder le silence mais s’autoriser à lever le pied.

Ce qui est important : ne pas faire comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé. Les larmes ont dit quelque chose.

Le journal des larmes : une méthode simple pour mieux se comprendre

Voici un angle rarement traité et pourtant essentiel pour le mot clé « pleurer au travail dépression » : la tenue d’un journal des larmes au travail. L’idée n’est ni de se surveiller en permanence, ni de se culpabiliser, mais de transformer ces moments douloureux en informations utiles pour soi et, si besoin, pour un professionnel de santé.

Comment le tenir concrètement ?

À chaque épisode où l’on pleure (ou où l’on a failli pleurer) au travail, noter brièvement :

  • Date et heure,
  • Lieu (open space, réunion, voiture, maison en télétravail…),
  • Ce qui s’est passé juste avant (mail, remarque, accumulation, coup de fil, annonce…),
  • Émotion dominante (tristesse, colère, honte, peur, fatigue…),
  • Intensité sur 10,
  • Durée approximative de la crise,
  • État général : depuis quelques jours, on dormait bien ou mal ? On était déjà très fatigué ?

En quelques lignes, sur un carnet ou une note dans le téléphone, cela suffit.

À quoi cela sert ?

Tenir un journal des larmes permet d’abord de repérer les déclencheurs, qu’il s’agisse de situations répétitives comme certaines réunions, un échange tendu avec un manager ou la fin de journée lorsque la pression retombe.

Il aide aussi à voir l’évolution dans le temps, en montrant si les crises deviennent plus fréquentes, plus fortes ou si elles s’accompagnent d’autres signes comme la fatigue ou des troubles du sommeil.

Enfin, il constitue un support précieux lors d’un rendez-vous médical, car il évite d’oublier des détails importants, rend la situation plus objective et montre que les larmes s’inscrivent dans un malaise durable. Peu à peu, ce journal devient un outil pour comprendre ses réactions et agir plus sereinement.

Quand les épisodes de larmes se multiplient, ne plus rester seul

Si les larmes deviennent fréquentes et que la tristesse s’installe, il est important de ne plus affronter cela seul. Le médecin traitant reste le premier point d’appui : il peut évaluer votre état, distinguer un simple passage à vide d’une dépression, proposer un arrêt si nécessaire et vous orienter vers un psychologue ou un psychiatre. Ce geste n’a rien d’inquiétant ; il montre simplement que vous prenez soin de vous.

Lorsque le malaise semble directement lié au travail, la médecine du travail peut aussi aider. On peut la contacter sans en informer son employeur, et les échanges restent confidentiels. Même si elle ne diagnostique pas une dépression, elle peut repérer une souffrance, recommander des aménagements et intervenir pour adapter vos conditions de travail.

Parler à son manager n’est jamais une obligation. Cela peut toutefois faciliter la mise en place d’ajustements utiles, comme un allègement des missions, quelques jours de télétravail ou une organisation plus souple. Avant d’aborder le sujet, il est essentiel de se demander si l’on se sent en confiance et de clarifier ce dont on a besoin. Une formulation simple et factuelle suffit souvent pour expliquer la situation, sans entrer dans les détails médicaux.

L’arrêt de travail, une étape nécessaire pour se protéger

Quand on n’arrive plus à travailler, que l’on pleure chaque matin avant de partir et que le moindre mail devient insurmontable, l’arrêt de travail n’a rien d’un caprice : il devient parfois indispensable. Cette pause permet de mettre à distance un environnement qui fait souffrir, de récupérer physiquement en laissant retomber le stress et les tensions, et d’entamer un travail thérapeutique sans être constamment réexposé à ce qui blesse.

Il faut toutefois garder en tête qu’un arrêt ne guérit pas une dépression à lui seul. Il offre un temps de repos, de recul et de mise à plat, mais nécessite souvent un suivi médical ou psychologique pour avancer réellement. Durant cette période, il est essentiel de rester attentif à sa fatigue, à son humeur, à ce qui s’améliore ou non, et d’en parler régulièrement avec son médecin afin d’envisager un éventuel retour au travail dans des conditions adaptées.

Dépression liée au burn-out : faut-il revoir son travail ?

Pleurer au travail peut aussi révéler un épuisement professionnel profond, nourri par une surcharge chronique, une pression permanente, un manque de reconnaissance, une insécurité constante ou des conflits répétés. Même lorsque des aménagements ont été mis en place, qu’un arrêt a été accordé ou qu’une réduction d’activité a été tentée, il arrive que l’idée même de retourner dans la même équipe ou dans la même entreprise fasse immédiatement remonter l’angoisse et les larmes.

Dans ce cas-là, il est légitime de se demander : « Est-ce que ce travail, ce poste, ce secteur est encore compatible avec ma santé mentale ? ». Parfois, la voie de la sortie s’impose :

  • changement de poste
  • changement d’entreprise
  • reconversion professionnelle accompagnée (bilan de compétences, dispositifs de transition).

Ce n’est pas une fuite, c’est une manière de :

  • se protéger de situations destructrices
  • retrouver un cadre plus en accord avec ses valeurs
  • redéfinir ce qu’on accepte ou non.

L’essentiel est de ne pas reproduire les mêmes schémas ailleurs : perfectionnisme extrême, incapacité à dire non, surinvestissement permanent… C’est là que la thérapie, le recul et parfois le fameux « journal des larmes » peuvent aider à comprendre ce qui s’est joué.

Le rôle des managers et de l’entreprise face aux larmes au travail

Pleurer au travail ne concerne pas seulement la personne qui craque ; c’est aussi un signal collectif. Lorsqu’un salarié fond en larmes devant son manager, il ne s’agit pas simplement d’une fragilité individuelle. Cela peut traduire une injustice organisationnelle, comme un manque de reconnaissance ou une décision vécue comme brutale, mais aussi un manque de moyens ou de soutien, ou encore une culture d’entreprise qui laisse très peu de place à l’expression des émotions.

Un manager confronté aux larmes d’un collaborateur devrait veiller à :

  • proposer un espace confidentiel
  • écouter sans minimiser ni dramatiser
  • reconnaître la charge émotionnelle de la situation
  • clarifier, si possible, les décisions prises et leurs raisons
  • co-construire la suite (aménagement, soutien, accompagnement).

À l’inverse, renvoyer systématiquement l’idée que « pleurer, c’est être faible » ou que « ça ne se fait pas au travail » ne fait qu’ajouter :

  • de la honte,
  • du retrait,
  • du désengagement,
  • et, à terme, le risque de burn-out ou de départ.

Pleurer au travail et dépression, ce qu’il faut retenir

Pour l’entreprise, prendre au sérieux ces signaux d’alerte permet non seulement de réduire l’absentéisme, mais aussi de préserver la motivation et la confiance des équipes. Pleurer au travail ne signifie pas être fragile : c’est souvent un message du corps qui signale un malaise professionnel ou, parfois, le début d’une dépression. La fréquence des pleurs, leur intensité et les signes qui les accompagnent, comme la fatigue, la perte d’envie ou les troubles du sommeil, doivent être pris en compte.

L’essentiel est de ne pas affronter cela seul. Parler à un médecin ou à un psychologue, utiliser des outils comme le journal des larmes et réfléchir à son environnement de travail sont des étapes importantes pour aller mieux. Ces larmes ne marquent pas une faiblesse. Elles indiquent simplement le moment où l’on reconnaît qu’on a besoin d’aide et qu’on a le droit de se protéger.

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Ayoub Zero

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Plume plutôt posée qu’angoissée, s’intéresse à la pression et aux stress du quotidien quand elle pointe le bout du nez.
Il note un moment précis, lit la recherche liée, décortique chaque donnée utile.
Il teste ensuite : balle en liège, minuteur respiratoire, carnet de gratitude, objets simples, verdict approuvé.
Son credo : transformer la théorie en gestes concrets, rapidement applicables.
Textes courts, conseils pratico-pratiques, ton léger ; l’idée reste la même : montrer qu’alléger la tête peut tenir dans trois actions bien choisies.

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